Manoir LePasteur

Après sa sordide défaite contre sa rivale Casimir, Myriam grinçait des dents lorsqu'elle entendait parler du Roi et de la Reine. Son père, un riche propriétaire de terres et de mines, avait rendu l'ame de façon lugubre peu après que le mariage du Roi ait eu lieu. Fille unique, elle se retrouva donc à la tête de la famille LePasteur : seule héritière de cette majestueuse fortune. Elle s'entourait de sorcières, d'oracles, de démonistes et autres sortes de magus qui pourraient exhauser ses désirs.
Myriam avait un don de faire une folle d'elle. Les nobles de la cité ne la prenaient plus au sérieux, préférant la traiter d'hystérique et de "folle a lier". Tranquillement, elle fut rejetée par les hautes sociétés, les groupes de discussions, les fêtes huppées et autres réunions de la noblesse. L'une de ses femmes de main, tout fraichement sortie de l'école de sorcellerie, la conseillait dans a peu près tout : la nourriture qu'elle consommait, les vêtements qu'elle portait, ses paroles, ses gestes. Tout était passé au peine fin. Une alchimiste résidant dans les oubliettes concoctait des potions a l'odeur immonde mais combien efficace. Le salon avait été converti totalement, les murs peints de noir et de gris, des symboles divers au sol et aux murs.
A chaque mois, un nouvel employé est engagé. Personne ne sait ce qui se passe avec cette personne; tous les liens avec sa famille sont coupés. Pourtant, l'argent qui leur est envoyé compense grandement ce manque..

Un soir, il y eut une visite inattendue : une sorcière débarqua accompagnée de plusieurs de ses servantes. Elle décida d'entrer et de faire comme chez elle. Elle était richement vêtue d'une jupe de soie raccourcie et déchirée, un bustier perlé d'organza et de taffeta, des gants brodés et un chapeau de haute gamme. Sur son visage étaient peintes plusieurs lignes noires se rattachant à celles de son cou. Son regard perçant la rendait menaçante malgré son air extravagant.

Malgré les avertissements du garde à la porte, repoussé par une de ses servantes, elle élu domicile dans la chambre des maitres de l'endroit. Myriam, encore sonnée des dernières plantes qu'elle eut ingérée lors d'une cérémonie la veille, éclata de rage en aperçevant la dame.

- Comment OSEZ vous venir ici et faire comme chez vous? Je ne vous ai pas invitée. Et puis vous êtes qui? Sortez immédiatement sinon je vous fait sortir!

La dame ne fut pas alertée par la folie de la jeune femme. Elle joignit ses deux mains et prononça quelques mots. Myriam fut prise d'une vilaine quinte de toux puis.. plus rien. Sa voix avait disparue. La dame s'assied confortablement dans un fauteuil et la regarda, éclatant de rire

- Quand tu sauras te servir intelligemment de ce don qu'est la parole, je te le rendrai. Pour l'instant du vent. Qu'on m'apporte un vin et quelque chose à manger.

L'une de ses servantes s'exécuta et revint en un éclair avec une bouteille de vin et quelques bouchées de pâté. Myriam bouillait de rage, son visage aussi rouge qu'une tomate. La dame prit le temps de savourer son goûter avant de revenir à Myriam. Elle la regarda ensuite

- Je suis Karmen. Et maintenant je serai la maitresse de cette maison. Emmenez cette jeune femme au sous sol, j'aurai besoin d'elle plus tard.

Deux des servantes approchèrent de Myriam qui les frappa tour à tour. Elles ne bronchèrent pas. Ils clouèrent la jeune femme au sol et l'attachèrent avec des lanières de ses propres vêtements. Elle criait mais aucun son ne sortait de sa bouche. Lorsqu'elles partirent, Karmen soupira

- Après tout, c'est elle qui nous a voulu ici..

Myriam avait croupi dans un placard du sous sol pendant 4 jours sans nourriture ni lumière. La rage bouillait en elle, tellement qu'elle serait prête à tuer la prochaine personne se présentant à la porte. Lorsqu'elle entendit le loquet être déverrouillé, elle se cacha derriere un baril, espérant que son capteur s'approcherait d'elle. Le premier objet qu'elle se mit sous la main fu une patte de chaise brisée : elle s'en servirait comme arme.
La personne entra dans la pièce, s'approchant comme prévu des barils. Myriam se tint prête : elle bondit, la frappant directement au visage. Elle s'exclaffa par la suite en silence, fière de son coup, sa voix n'étant pas encore revenue. La femme la regarda, le sang coulant sur son visage reluisait dans la pénombre. Elle agrippa Myriam par le cou; sourire sadique aux lèvre elle la traina vers la sortie.

Karmen attendait dans le salon. Elle avait converti la pièce à son image, ayant effacé les symboles pour en inscrire d'autres et peindre un cercle d'incantations sur le sol. La gardienne déposa Myriam au centre du cercle, se retirant pour la laisser seule avec la sorcière. Karmen tira une touche de son cigarillo avant de parler

- Chérie, aujourd'hui je vais accomplir un de tes rêves les plus chers. Il y a très longtemps que tu désires cela.. eh bien vais te l'accorder.

Karmen claqua des doigts : deux servantes sortirent de nulle part, transportant une boite de bois. Elles dévêtirent Myriam contre son gré bien évidemment. La jeune femme se retrouva nue. Crier ne lui était d'aucune utilité et le cercle l'empêchait de sortir de l'endroit. Karmen ouvrit la boite pour en sortir un fouet a 9 branches. Elle sourit

- Je vais faire de toi la Reine de Redcratsever.. mais pas sans douleur.. ton silence saura te gagner ta popularité

Myriam fit les gros yeux, essayant de reculer. La femme approcha d'elle, la fouettant sur tout le corps, ignorant les menaces gestuelles de la jeune femme. Lorsqu'elle jugea que sa peau était suffisamment abimée, elle demanda qu'on la vêtisse de haillons.

Elle se dirigea vers Myriam. D'une main, elle lui saisit la mâchoire et de l'autre, elle lui enfonça une capsule dans la bouche. Elle la tint pour ne pas qu'elle la recrache. Les cheveux de Myriam changèrent soudainement de couleur pour un blanc immaculé. Les traits de son visage se dessinèrent plus clairement. La transformation était complète.
Deux hommes entrèrent dans la pièce à cet instant. Ils regardèrent la scène, écume à la bouche. Karmen tappa sur l'épaule de l'un d'eux

- Messieurs, elle est à vous. Essayez de rendre cela le plus crébile possible.. N'oubliez pas votre itinéraire. Elle doit vivre suffisamment longtemps pour être emmenée au chateau..

Myriam ouvrit les yeux. Un homme se dirigea vers elle, la prenant sur son épaule. Elle se débatit de toutes ses forces. Son regard croisa un mirroir : elle était devenue sa rivale. Une copie conforme, dans les moindres traits. Son coeur battait de plus en plus vite. Qu'est-ce que ces hommes allaient lui faire?
Une charette attendait à la porte. Ils y déposèrent Myriam : six autres brigands attendaient à l'intérieur. Lorsqu'ils virent la jeune femme, ils sourirent. Le chef de la bande leur dit

- Elle est a nous, maintenant on s'en va au campement.

Ils firent route vers les montagnes de l'Est. Pendant le voyage, elle n'eut guerre le choix que de se conformer à leur moindres désirs..

L'atmosphère était lourd. Les murets autour de la maison isolaient complètement l'endroit du monde extérieur. Quelques plantes mal entretenues dans la cour intérieur donnaient un air plutot macabre à l'endroit. Des rosiers grimpants ornaient la porte de fer forgé, les fleurs fannées pendantes au bout des tiges.

Un buisson tout près d'Adrien se mit à bouger soudainement pendant un court lapse de temps. Il entendit un grognement sourd en provenant.

Adrien bondit vers l'arrière.

- Diantre! Mais qu'est-ce que c'est que ce cabot de buisson!

Il se dit que c'est probablement un chien dans ce buisson, mais un chien reste un chien... avec des dents, une machoire solide, un odorat puissant, des pattes rapides. Il faut rester sur les mêmes garde qu'un homme armé.

- Allez cabot, montre toi. Allez! Montre mois que tu n'est pas plus grand que la hauteur de mes genoux.

La créature sortit du buisson.
C'était bel et bien un chien mais beaucoup plus gros. Ses yeux étaient complètement noir et de sa machoire dégoulinait beaucoup de bave. Il pointait le museau dans la direction d'Adrien, reniflant l'air ambiant.
Il se mit a aboyer férocement.

Une femme vêtue d'une robe sobre sortit de la demeure. Elle regarda Adrien au portail avant de crier quelque chose qui fit taire d'un coup le chien. Elle resta à une bonne distance de celui ci et parlait d'une voix claire

- Qui êtes vous, que voulez vous?

La femme jeta un oeil sur Adrien. Lorsqu'il lui fit ses salutations distinguées, elle remarqua son innocence. Elle l'invita a entrer sans mot. Une fois dans le hall, elle lui dit :

- La maitresse vous recevra d'ici peu.

Adrien fit les cent pas dans le hall, observant les diverses peintures et la décoration plutot lugubre dont le lieu avait été affligé depuis la transformation psychologique de Myriam. La jeune femme revint, quelques minutes plus tard, lui montrant le chemin vers un petit salon. À l'intérieur, deux sièges baquets et une petite table étaient le seul ameublement qu'il y avait. Sur le sol, une fresque magnifique d'un serpent, une femme, un homme et la lune. Il s'assied, ignorant qui était cette maitresse ou peu importe qui allait le recevoir. Lorsqu'il se plaça confortablement dans le siège, il ressentit quelque chose de piquant dans son cou. S'y touchant par réflexe, il remarqua une petit enflure au niveau de sa nuque. Soudain, une femme vêtue de noir entra dans la pièce. Elle le regarda de la tête aux pieds, sans dire un mot. Adrien sentit des chaleurs monter à son visage qui en rougit spontanément. La femme s'approcha de lui et lui aggripa la chemise. Elle prononça quelques mots. Adrien se sentit faiblir soudainement. Tout devint noir autour de lui ; il tomba par terre, inconscient.